«Extérieur nuit. Des humains apparaissent, équipés d’éclairages qui leur donnent un aspect inquisiteur, et les oiseaux entravés par les filets voient surgir des ténèbres ce qui évoque sans doute un danger suprême. La suite ne les rassurera pas : ils sont manipulés avant d’être identifiés, bagués, puis relâchés. Les gestes malhabiles, bien qu’empreints de la plus grande attention, ne sont pas à l’échelle des minuscules oiseaux prisonniers. La façon dont les images d’Emanuela Cherchi posent cette relation est significative du rapport qui s’instaure entre l’homme et l’animal, dans ce territoire isolé où la rencontre a lieu, dans l’obscurité et le bruissement d’un début de monde, ou bien de sa fin. L’infiniment grand du ciel étoilé côtoie l’infiniment petit -les plumes et les herbes- et sont liés par leur fragile beauté commune. Les visages alternent avec les regards d’oiseaux, et tous semblent partager une même présence vigilante à l’instant. Un oeuf tenu entre deux doigts, minuscule et à la merci d’un geste maladroit, apparaît comme un condensé de planète menacée. Cette succession d’images évoque à la fois des temps archaïques de proximité avec l’animal et l’hypothèse de sa disparition. Emanuela Cherchi parvient à maintenir une tension dramatique qui n’est jamais tragique ni complaisante, et laisse constamment place à la perception sensible de l’atmosphère très particulière de ce lieu préservé. Les gestes, répétés chaque jour et chaque nuit, sont photographiés ou filmés comme des rituels inquiets, mais habités d’une croyance et d’un espoir : celui d’une réconciliation entre la terre et son avenir.»
Christian Maccotta
Directeur artistique du festival LES BOUTOGRAPHIES